Je vous raconte dans cet article ma retraite de 2 semaines dans un ashram (un monastère hindouiste) au milieu de la jungle dans le Kerala, en Inde. Cette expérience fut très éprouvante les premiers jours, elle m’a bousculé, m’a fait sortir de ma zone de confort. Quelques années plus tard, j’en tire néanmoins de grands enseignements.

Et si je partais faire une retraite dans un ashram?

Septembre 2018, je viens de quitter mon emploi et j’ai 4 mois devant moi avant de reprendre un nouveau poste. Cela ne m’est jamais arrivé d’avoir 4 mois de liberté totale et j’ai envie d’en profiter pleinement en expérimentant des choses que je n’ai encore jamais pris le temps de faire. 

Une amie m’avait parlé quelques mois plus tôt d’une retraite de yoga qu’elle avait faite et l’expérience m’avait bien tenté. C’est donc très naturellement que je me suis dit “c’est le moment d’aller faire cette retraite !”. 

Ma décision était prise, ni une ni deux je prends mon ordinateur et commence à faire des recherches sur les différentes retraites proposées: méditation, yoga, jeûne, silence, etc. Je pratiquais le yoga depuis plusieurs années et venais de me mettre à la méditation donc c’est tout naturellement que j’ai sélectionné une retraite qui me permettait d’approfondir mon expérience dans ces deux domaines. J’ai sélectionné un Ashram indien qui s’appelle “Sivananda” et qui est situé au fin fond du Kerala.

Départ pour l’Inde

1 mois plus tard je m’envole pour Thiruvananthapuram (je vous mets au défi de prononcer le nom de cette ville sans faute du premier coup!). Dès ma sortie de l’aéroport je suis immédiatement plongée dans le tohu-bohu si caractéristique de l’Inde: les sons des klaxons et des éclats de voix, les odeurs d’épices et de plats frits, l’humidité qui me colle à la peau… Ce n’est pas mon premier voyage en Inde mais le charme du dépaysement opère toujours !

Mon vol atterrit vers minuit et même si l’Ashram n’est qu’à 30 km de l’aéroport, il faudra tout de même 1h30 pour faire le trajet en rickshaw. 

J’arrive vers 2h du matin à l’Ashram, tout le monde dort sauf le veilleur de nuit qui vient m’accueillir. Je suis épuisée et rêve d’une longue nuit de sommeil mais je vais rapidement déchanter. On m’installe dans un grand dortoir occupé par une trentaine de lits et on m’explique que le réveil aura lieu à 5h20 pour participer au premier rituel du matin et impossible de déroger à la règle bien qu’il soit déjà 2h et qu’il ne me reste que 3h20 pour dormir.

Autant vous dire que le réveil fut quelque peu compliqué !

Dès le lendemain matin, on m’explique les règles de ces 15 jours à venir et je comprends rapidement que mon séjour ne sera pas de tout repos et que le mot d’ordre est “discipline”. Voici à quoi ressemblait le planning de mes journées:

  • 5h20: réveil au son d’une cloche de tous les pensionnaires
  • 6h-7h30: participation obligatoire au satsang du matin, il s’agit d’une séance de méditation et de récitations de mantras
  • 7h30-8h: thé servi à tous à la fin du satsang
  • 8h-10h: séance de yoga
  • 10h-10h30: premier repas de la journée (5h après le réveil)
  • 10h30-11h: participation aux tâches ménagères de l’ashram
  • 11h-14h: temps libre
  • 14h-15h: étude des pratiques de yoga 
  • 15h30-17h30: séance de yoga
  • 18h-18h30: deuxième et dernier repas de la journée
  • 18h30-19h: participation aux tâches ménagères de l’ashram
  • 19h-20h: temps libre
  • 20h-21h30: participation obligatoire au satsang du soir, comme pour celui du matin il s’agit d’une séance de méditation et de récitations de mantras
  • 22h: extinction des feux 

Attention, pas question de tenter de faire une grasse matinée ou de louper l’une des activités prévues au planning, la présence de tous les pensionnaires est obligatoire et les personnes de l’ashram savent gentiment rappeler à l’ordre ceux qui font l’école buissonnière ! Faire le choix de séjourner dans un ashram c’est faire le choix de respecter la discipline du programme. Moi qui avais emmené une quantité incroyable de livres pensant faire le plein de lecture je vais devoir remettre cette activité à plus tard!

Des débuts éprouvants

A peine 24h après mon arrivée, je n’avais qu’une idée en tête: PARTIR ! 

Je ne me sentais pas du tout à l’aise dans cet environnement, j’avais le sentiment d’être dans une secte et d’être entourée d’illuminés. En effet, le programme était beaucoup plus spirituel que ce à quoi je m’attendais, on chantait matin et soir des chants religieux, on récitait des mantras à longueur de temps, certains pensionnaires étaient carrément en transe pendant ces récitations, d’autres se prosternaient à longueur de temps, bref en un mot j’avais l’impression d’être la seule personne saine d’esprit !

A cela s’ajoutaient les conditions d’hygiène plus que rudimentaires qui m’ont mises à rude épreuve. Parlons des sanitaires, enfin si je peux appeler ça des sanitaires parce qu’en fait il s’agissait d’une unique pièce avec des toilettes et un robinet. Et oui, il n’y a pas de douche (et encore moins d’eau chaude!) juste un robinet d’eau froide et un seau (seau qui sert aussi pour tirer la chasse d’eau…). Il y a 3 sanitaires pour environ 30 pensionnaires donc autant dire que la propreté n’est pas au RDV. Mais ce qui m’a le plus pesé c’est la saleté permanente de mes pieds (oui oui de mes pieds!). En fait, en Inde, il faut toujours se déchausser et être pieds nus avant d’entrer dans un lieu, pas de tongs, chaussons ni chaussettes autorisées. Et cela était valable avant d’entrer dans la salle de prière, la salle de repas, les cuisines, le dortoir et les fameux sanitaires pas très propres. Autant vous dire que mes pieds étaient crasseux et collants à longueur de journée entre le sol mouillé des sanitaires, les miettes dans la salle des repas, la poussière dans le dortoir et la salle de prière, bref une véritable épreuve pour moi qui suis une adepte de la propreté. A cela s’ajoutait une odeur de moisissure qui me suivait toute la journée: c’était la saison des pluies en Inde et l’air était très humide, pas seulement dehors mais aussi dans les dortoirs. Résultat: mes vêtements étaient poisseux, je dormais la nuit dans des draps humide et ma serviette de bain n’a jamais réussi à sécher une seule fois en 15 jours !

Sans oublier les dizaines de piqûres de moustiques (parce que oui je l’admets j’avais oublié de glisser dans mon backpack un produit anti moustique) !

Et enfin dernière chose qui a fini de m’achever: j’avais mal, très mal… aux adducteurs ! Il faut dire qu’il n’y avait aucune chaise dans l’Ashram et que l’on passait  notre temps assis en position du lotus ou tailleur pour les prières, les chants, les repas, les séances de méditation et j’en passe. J’ai même dû finir par demander une dérogation pour avoir un tabouret – normalement réservé aux pensionnaires âgés ne pouvant pas s’asseoir en tailleur – tant j’avais mal aux adducteurs… (shame on me!)

Bref l’ensemble de ces éléments combinés m’a donné une envie irrépressible de quitter les lieux au plus vite ! 

J’ai retrouvé le journal que je tenais à l’époque dont voici quelques extraits:

  • 1er jour “Les gens sont vraiment dans un autre univers, entre les “ohm” à tout-va, les prières non traduites et les remerciements constants aux divinités je ne me sens pas à l’aise !”
  • 2ème jour “Ai-je mentionné que l’odeur de curry sur les doigts de ma main gauche ne partira sûrement jamais dû au fait que nous mangeons tous nos repas avec la main droite !?”

Ce que cela m’a apporté de positif

Après avoir longuement négocié avec moi-même plusieurs jours à base de “Je pars ou je pars pas !?”, “Bon allez je pars !”, “Non je dois aller au bout je reste!” j’ai fini par prendre la décision d’aller au bout de l’expérience.

Le déclic est venu à partir du 5ème jour, ce jour-là je me suis dit “à quoi bon tergiverser sur mon potentiel départ, j’ai décidé de mon plein gré de venir faire cette retraite de yoga et méditation, ce n’est pas une opportunité que j’aurai tous les jours de ma vie alors je vis l’expérience jusqu’au bout !”

Une fois cette décision prise j’ai réussi à lâcher prise et à accepter à la fois le côté spirituel de l’expérience et les conditions d’hygiène sommaire. Je me suis laissée porter par la discipline de chaque journée, j’ai porté un regard plus ouvert et sans jugement sur les récitations de mantras et j’ai arrêté de me torturer l’esprit parce que mes pieds étaient crasseux !

Et puis surtout, j’ai pris conscience de la chance incroyable que j’avais de pouvoir vivre une expérience pareille !

Tout d’abord, l’ashram se situait dans un cadre magnifique, en pleine jungle, entouré d’une végétation luxuriante et regorgeant de papillons et d’animaux qu’on entendait vivre autour de nous (oiseaux, perroquets, singe, etc.). Un immense lac faisait face à l’ashram et pendant mes rares moments de pause j’allais m’y balader. J’ai d’ailleurs eu la surprise un jour d’y voir se baigner plusieurs locaux alors que je venais tout juste de passer devant le panneau “Attention, crocodiles dans le lac”…! Cette omniprésence de la nature m’a fait beaucoup de bien, je me sentais plus calme, plus apaisée et surtout plus connectée au moment présent.

Autre joie de cette retraite (et pas des moindres connaissant mon appétit) : la nourriture délicieuse ! Comme je l’ai mentionné dans le programme un peu plus haut, nous n’avions que 2 repas par jour : à 10h puis à 18h. Autant dire que cela m’effrayait beaucoup en arrivant car j’avais peur d’avoir constamment faim. Que nenni ! Il s’agissait d’une alimentation ayurvédique pensée pour être bonne tant pour le corps que l’esprit, les repas étaient suffisamment copieux pour être rassasiants mais n’étaient pas non plus trop lourds pour permettre au corps de ne pas se fatiguer à la digestion, bref un savant dosage ! Au menu, du riz accompagné de curry de légumes, de crudités, de dosa (sorte de galette croustillante indienne), de petits pâtés à la noix de coco, le tout assaisonné avec des épices délicieuses et pour la plupart inconnues de mon palais! Les plats étaient préparés chaque jour par des habitantes du village environnant qui venaient travailler à l’Ashram. Les plats étaient très simples mais toujours variés et surtout très savoureux, je ne m’en suis pas lassée 1 seule fois en 15 jours!

Et puis surtout cette retraite m’a permis de faire connaissance avec des gens merveilleux venant de tous les coins du monde, d’Inde bien évidemment mais aussi de Corée, du Japon, d’Israël, d’Autriche, du Yémen, d’Espagne et j’en passe. Chacun venait pour des raisons bien spécifiques: pour se déconnecter de la vie occidentale à 1000 à l’heure, pour approfondir la pratique du yoga, pour arrêter de fumer, etc. Certains venaient pour 2 nuits quand d’autres venaient pour l’année. Bref un mélange insolite de gens dont les chemins ne se seraient certainement jamais croisés sans cet Ashram !

Finalement, ces 2 semaines m’ont aussi permis de lâcher prise sur mon apparence, là-bas pas besoin de se maquiller ni de réfléchir pendant des heures à ce que j’allais porter le jour-même. J’enfilais un pantalon et un tee-shirt amples (pas de tenue près du corps autorisée, on est loin des stéréotypes de la yogista en legging moulant), je rassemblais mes cheveux en chignon et c’était parti pour la journée ! Cela m’a vraiment permis d’être et seulement d’être, pour moi-même, sans me soucier du regard des autres et cela m’a fait un bien fou! Et pour revenir à mes pieds crasseux qui me tracassaient tant au début du séjour, ces 15 jours m’auront aussi permis de remettre en question ma notion de “propreté”: j’ai réalisé que ce n’était pas si dramatique de marcher pieds nus tout le temps, des pieds c’est juste de la peau et de la peau ça se lave !

Mon regard sur cette expérience quelques années plus tard

En bref cette expérience m’a énormément bousculée durant les premiers jours et m’a poussée dans mes retranchements: je me sentais en insécurité dans cet environnement spirituel, j’étais mal à l’aise avec les autres participants que je jugeais illuminés et le manque d’hygiène m’incommodait particulièrement.

Finalement cette retraite m’a fait pleinement comprendre le sens de l’expression “life begins at the end of your comfort zone”. A partir du moment où j’ai accepté de quitter ma zone de confort et de lâcher prise, de nouveaux horizons se sont ouverts à moi: je suis devenue plus ouverte d’esprit vis à vis du côté spirituel de la retraite et j’ai même trouvé du sens et du plaisir aux récitations de mantras qui me mettaient tant mal à l’aise au début, je me suis également détachée du paraître et ai pris plaisir à être moi-même le plus naturellement possible, j’ai pris le temps de ralentir, de me reconnecter à la nature et au moment présent. 

Finalement, cette retraite de 15 jours m’a profondément chamboulé et c’est ce qui m’a permis d’en apprendre plus sur l’environnement qui m’entoure, sur les autres et sur moi-même, une vraie leçon de vie !

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